Au gré de nos rencontres, nous avons souvent entendu parler du spectaculaire Salar de Uyuni, le plus grand lac de sel de la planète (10500 km²!). Sur un coup de tête, nous avons décidé de traverser la frontière en direction de la Bolivie, jusqu’à Tupiza. Ce pays n’était pas « prévu » sur notre trajet, mais il aurait été vraiment dommage de ne pas nous aventurer dans cette région. À chaque franchissement de frontière, nos oreilles se font à un nouvel accent. Nous devons convertir une nouvelle monnaie, cette fois ce sont les Bolivianos (BOB). Nos premières impressions de la Bolivie tranchent complètement avec le Chili ou l’Argentine. Les routes sont cabossées, les marchés désorganisés, les habitations plus simples et la ville de Tupiza fourmille de tuk-tuks qui klaxonnent de partout !
De nombreuses femmes, les « Cholas », perpétuent les traditions Aymara de l’Altiplano bolivien. Elles portent une tenue traditionnelle, constituée d’une grande robe à volants, d’épais collants, d’un aguayo (foulard rectangulaire porté sur le dos), et du fameux bombin, un tout petit chapeau rond porté très haut sur la tête. Leurs longues tresses sont fermées par une attache en laine ou en dentelle colorée. On se demandait souvent combien de temps elles pouvaient bien mettre à se préparer pour cette tenue si sophistiquée.
Nous nous sommes donc inscrits pour une excursion de quatre jours, ne souhaitant pas imposer ce trajet à Amunche. Nous avons su que c’était une bonne idée en voyant les routes que nous avons franchies, et le sel qui détériore les carrosseries. Cette excursion traverse le fameux Salar situé sur les hauts plateaux (3700m) et la région du Sud-Lipez, qui abrite la magnifique réserve nationale Eduardo Avaroa, de nombreux volcans et des lagunes…
Avant de partir, le briefing à l’agence nous annonce la couleur. Il va faire -10°C la nuit, les logements seront « basiques », et nous allons monter haut et vite en altitude. Il faut prévoir nos sacs de couchage, un maillot de bain (ha bon pourquoi?) et bien sûr toutes les affaires les plus chaudes possible. Interdiction d’oublier ses lunettes de soleil, le sel réfléchit la lumière comme l’océan un beau jour de pêche en Bretagne. Sous cette couche blanche aveuglante sont cachées les plus grandes réserves du monde de lithium.
Après une bonne nuit à l’hôtel à Tupiza, nous avons pris le départ à bord de deux Toyota Landcruiser. Dans la nôtre, notre chauffeur Victor et le guide Daniel, ainsi qu’un adorable couple en lune de miel dans la région, Cyrus et Christine (lui australien et elle danoise). Dans l’autre 4×4, Lucie et Paul, Lison et Arnaud, tous français, leur chauffeur ainsi qu’Esmeralda, notre cuisinière durant tout le séjour. Thomas était à ce moment-là bien embêté par une intoxication alimentaire depuis deux jours, et tous les voyageurs le diront ; c’est fréquent en Bolivie !
Nous roulons beaucoup le premier jour, dans des chemins de sable, de terre, rien ne semble pouvoir arrêter les véhicules. Le vent souffle particulièrement fort et à chaque arrêt nous nous couvrons tellement qu’il n’y a plus que notre nez qui dépasse de nos écharpes.
Le premier stop se situe à la Ciudad El Encanto, (que l’on peut traduire par la ville enchantée), une sorte de cathédrale de sable immense façonnée par les vents et la pluie, formant de longs pics dans lesquels on peut se glisser et produire des échos. Puis nous arrivons à l’entrée d’un village fantôme (El Pueblo Fantasma) décimé par une épidémie, dont les ruines sont ouvertes à la visite. Nous passons notre première nuit dans un « hôtel » à Quetena Chico (4200m). Le confort y est rudimentaire, mais il est réconfortant de se retrouver tous ensemble autour d’un bon thé chaud pour faire connaissance. Nous dormons dans des dortoirs, sans douche, ni chauffage bien sûr. Nous étions tellement préparés à avoir extrêmement froid, que nous avions prévu chacuns quatre couches de vêtements en plus des couvertures et sacs de couchage. Notre chambre a plutôt bien dormi, celle d’à côté un peu moins. En effet, en haute altitude, c’est souvent en position allongée que les symptômes désagréables peuvent apparaître, comme les maux de tête et les troubles digestifs.
Le deuxième jour, nous avons moins roulé. Direction les lagunes Hedionda et Kollpa, où vivent des centaines de flamants roses. Dans le désert de Dalí (il s’en serait inspiré pour ses peintures), nous rejoignons la Laguna Verde, un joyau du Sud-Lipez, au pied de l’imposant volcan Licancabur (5916m). Nous sommes restés muets face à la beauté de ce lac qui tient sa couleur de l’arsenic qu’il contient (pas touche !). Tout le monde répétait : « c’est comme dans un rêve », le vent s’était calmé juste pour nous, et on entendait les cris des flamants roses. Après ce joli moment méditatif, nous avons rejoint les eaux thermales (c’était donc pour ça le maillot de bain !) entre 30 et 40°C, où les plus courageux / les moins malades sont allés barboter avant le déjeuner. Il était vraiment plus facile d’y entrer que d’en sortir ! Depuis les bassins, on pouvait observer les vigognes (sorte de petits lamas) et les flamants roses.
Nous marquons ensuite un autre arrêt pour aller voir des geysers à 5000 m d’altitude. Il y a une désagréable odeur de soufre transportée par les fumées qui sortent des énormes cavités dans le sol. Dans certains trous, de l’eau est en ébullition en continu, c’est impressionnant ! Puis nous sommes allés à la Laguna Colorada, notre préférée, avec sa superbe couleur rosée qui tranche avec le bleu du ciel et les montagnes enneigées. Encore un moment magique. Ce soir-là, tout le monde est très fatigué, et après quelques jeux de cartes nous ne faisons pas long feu.
Au troisième matin, nous dégustons de délicieux pancakes (merci Esmeralda !) avant de prendre le départ pour la vallée des Roches. Certaines semblent tenir en équilibre par magie, comme l’arbre de pierre (El arbol de piedra). Nous longeons encore d’autres lagunes de rêve, des volcans immenses, traversons le petit Salar de Chiguana (5 % de sel), jusqu’au village de San Juanoù nous achetons des bières locales au cactus. Au bord des routes, de nombreux alpagas broutent tranquillement. Ils ont tous des petits nœuds en laine rose noués au bout des oreilles et même des colliers en pompons, c’est trop mignon. Non moins mignonnes, c’est dans ce coin que nous avons découvert les viscachas, un genre de mélange entre un chinchilla et un lapin.
Le dernier soir, à Atullcha, nous avons logé dans le plus joli des hébergements, un hôtel entièrement construit en briques de sel, jusqu’aux meubles et même notre lit ! Mais avant de profiter de cette belle nuit, nous sommes allés ensemble observer le coucher du soleil en plein Salar de Uyuni (100 % de sel), avec nos petites bières qui moussent. Les nuages ont créé une ambiance incroyable, commençant par les tons orangers, jusqu’à voir un ciel complètement vert et violet sur ce sol blanc immaculé.
Après ce spectacle, comment ne pas passer une bonne nuit ? Mais il s’agissait pourtant de la nuit la plus courte du séjour, puisque nous nous sommes levés à 4h du matin bien avant le soleil, pour aller le voir se lever sur une « île » envahie de cactus, l’île Inkahuasi. Pour l’atteindre, nous avons fait 70 km dans le noir complet sur cette immense étendue plane. Moments vraiment effrayants, comme il n’y a pas de route dans le désert de sel, pour s’assurer de bien tenir le cap, nos chauffeurs éteignaient leurs phares pour s’orienter grâce aux ombres que forme l’île à la lueur de la lune !
Au sommet de l’île, les premiers arrivés, nous avons attendu dans le froid le lever du soleil, et cela en valait la peine ! Après un bon petit déjeuner, nous sommes partis faire les classiques et rigolotes photos trompe-l’œil en plein désert. Et c’est finalement plus compliqué qu’il n’y paraît pour trouver l’angle parfait !
C’est le moment de retrouver la civilisation après ces quatre jours hors du temps. Une fois arrivés dans la ville de Uyuni, il est l’heure de nous séparer, les colonies de vacances sont terminées. Chaque compagnons de route reprend son chemin, vers La Paz ou ailleurs…
Nous, nous retournons à Tupiza où Amunche nous attend. C’est aussi le cas de Lucie et Paul, qui voyagent à vélo des États-Unis à Ushuaia en Argentine, depuis maintenant un an. C’est lors de ce trajet en voiture de Uyuni à Tupiza que nous avons compris que nous n’allions pas nous quitter de si tôt ! Lors d’un dîner au restaurant tous ensemble le soir, nous avons pris la décision d’embarquer nos nouveaux copains et leurs bolides (et toutes leurs sacoches…) pour passer la frontière argentine le lendemain. Il n’aurait pas fallu une personne de plus, le Kombi était plein à craquer. C’était un réel bonheur de les observer découvrir l’Argentine que l’on adore, des étoiles plein les yeux, et de leur parler des bons plans de la région.
Après presque une semaine à partager des jeux de cartes, de longues discussions autour de vins argentins, des grignotages de carottes, des barbecues, un joli camping, des visites, nous ne pouvions plus repousser les aux revoirs, et nous avions l’impression de nous connaître depuis toujours. C’est avec un énorme pincement au cœur que nous avons laissé nos nouveaux amis poursuivre leur belle aventure. Nous, vers le nord du Chili, et eux vers le Grand Sud. Il y a des rencontres comme celles-ci qui sont une bouffée d’air frais dans le Voyage, et qui lui donnent encore plus de sens. Nous sommes déjà impatients de les retrouver ! Si tu lis cela aujourd’hui, le jour de la sortie de cet article, Lucie nous te souhaitons un magnifique anniversaire ♥️, sur la belle Carreterra Austral.
Cap à l’Ouest, nous passons nos derniers jours en Argentine, et nous dirigeons vers le Chili, premier et dernier pays de cette belle boucle. C’est avec beaucoup d’émotions que nous quittons le pays par le Paso de Jama, à 5000m d’altitude. Comme pour nous réconforter, les paysages sont lunaires et incroyablement beaux dans cette vallée ponctuée de volcans.