Quelques kilomètres en Patagonie Chilienne

Changement de cap pour fuir la pluie !

Sur l’île de Chiloé, accessible en ferry, les arbres ont pris la forme des rafales de vent qui la balayent inlassablement. La pluie accompagne l’immense houle du pacifique, laissant apparaître de toutes parts de jolis arcs-en-ciel. Entre Irlande et Bretagne, les chilotes (habitants de l’île) aiment raconter les légendes des farceurs duendes, les korrigans de la région, et des sorcières… avec l’atmosphère lourde de la brume qui ne se décroche pas des falaises, on est tentés d’y croire.

L’île est parsemée d’églises plus ou moins entretenues aux clochers et aux frontons en lauze de toutes les couleurs, inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco. En dormant sur la côte près des falaises abruptes, on peut observer au réveil des centaines de vaches sur les plages, broutant les paquets d’algues, qui donneront plus tard à leur lait et à leur viande une saveur particulière.

Chiloé aurait vraiment tout pour plaire, mais le froid, le vent, et les pluies de l’automne ont rendu le lieu moins accueillant, lugubre, et nous n’avons pas apprécié l’île comme les voyageurs estivaux.

C’est d’ailleurs après ce séjour que nous avons décidé de quitter le Chili plus tôt que prévu, espérant gagner quelques degrés en Argentine. Nos origines bretonnes ne suffisaient plus pour lutter contre l’humidité permanente régnant dans notre Kombi.

Le pays en forme de piment nous réservait tout de même encore de belles surprises…

Nous avons alors emprunté une portion de la mythique Carretera Austral (Ruta 7), longue de 1240 km, serpentant entre Puerto Montt et O’Higgins. Elle longe les rivières, les glaciers, et traverse de grandes forêts pluviales. A Hornopiren, un ferry fend les fjords brumeux, un moment hors du temps. Les montagnes dégoulinent de cascades, et les loups de mer pêchent près du bateau. 

A l’arrivée, le parque nacional de Pumalín propose de nombreuses randonnées. Son accès est gratuit, ce qui est rare au Chili. Il a été créé par Douglas et Kristine Tompkins, c’était alors l’un des plus grands parcs privés du monde, jusqu’à ce que le couple décide d’en faire donation au Chili en 2017.

Le charmant sendero de los alerces, que nous avons emprunté avec Jonas, venu d’Allemagne, permet d’observer un cyprès de Patagonie (Alerce) de plus de 3000 ans.

En mai 2008, le volcan Chaitén est entré en éruption, détruisant la ville portant le même nom. Des nuées ardentes ont brûlé les forêts millénaires, et un nuage de cendre a été observé jusqu’à Buenos Aires. Mais la résilience de la nature est prodigieuse, car malgré le chaos passé, la forêt est redevenue luxuriante, portant quelques séquelles, de longs troncs blancs et secs.

Une randonnée permet d’observer le cratère encore fumant. En haut, les chanceux comme Thomas pourront l’admirer, dominant un lac partiellement asséché. Les retardataires comme moi (Matoo) cinq minutes plus tard ne verront qu’un immense nuage gris. Ce fut également le cas de Marc, Julia et leurs deux filles Eloïse et Camille rencontrés au sommet. Une famille adorable de voyageurs traversant l’Amérique du Sud à bord de leur colossal camion, dans lequel on pourrait ranger Amunche.

C’est près du hameau de Santa Barbara et ses pains de sucre aux airs de Brésil, que nous avons passé une belle soirée autour de bières locales brassées à Chaitén, les yeux rivés sur le spectacle des dauphins et otaries prenant leur repas. Et pour terminer, nous avons partager un bon restaurant tous ensemble le lendemain pour oublier les trombes d’eau martelant nos maisons roulantes. Et quel bonheur de parler à nouveau un peu français !

Plus au sud, un sentier offre la possibilité de s’approcher de l’impressionnant glacier Amarillo. Sur le parking du départ, nous avons rencontré Marion et Loris, avec qui nous avons arpenté les 26 km. Le sentier n’est pas très bien balisé et il faut traverser plusieurs fois le río Amarillo, avec ou sans chaussures, en construisant des ponts de fortune plus ou moins (surtout moins) solides. On retiendra quelques chutes spectaculaires, la douche glacée au retour et bien sûr l’apéritif tant mérité à l’arrivée. Encore une belle rencontre !

Notre petit camion sillonne fièrement la route australe, bien plus sûr de lui depuis les réparations effectuées à Puerto Montt. Les ripios, les pistes à nids de poules locales (ça ressemblerait pas un un peu à ribinoù ?), mettent parfois à l’épreuve ses amortisseurs flambant neufs, mais il tient le coup !

Il y a encore très peu de frontières ouvertes pour quitter le Chili. La plus proche que nous avons trouvée est celle de Futaleufù, agréable village réputé pour ses magnifiques et difficiles descentes de rafting. Le passage pour Esquel (Argentine) n’est ouvert qu’à raison de deux jours par semaine, et nous avons traversé la frontière sans difficultés avec Javier, un adorable autostoppeur espagnol.

Quelques kilomètres seulement séparent Futaleufù d’Esquel, mais dès nos premiers pas en Argentine, l’ambiance avait réellement changé. Les villes sont plus aérées, nous avons retrouvé les terrasses quasi inexistantes au Chili.

Nous te raconterons ces nouvelles découvertes bientôt, mais pour le moment la Patagonie Argentine est un réel coup de cœur !